PATRIMOINE BÂTI, VILLE DE REPENTIGNY

MAISON MORISSEAU (NORMAND)

599, rue Rivest, Repentigny, Qc (Lot 60)


Le texte qui suit est un extrait d’un document réalisé sous la direction du Père Lucien Leblanc, entre 1975 et 1978. Le lecteur comprendra alors que plusieurs changements concernant, soit les propriétaires, soit l’apparence de la maison, ont pu se produire au cours des quarante dernières années.


Nous l’appellerons Maison Normand, parce qu'elle correspond à la description la plus ancienne et la plus fidèle de la maison actuelle, que nous « retrouvons à l'inventaire après décès des biens de Jean-Baptiste Normand : « Une maison de pierre dessus construite, en très mauvais état de quarante-quatre pieds de long sur trente-six à trente-sept de large ». (1)

Ce n'est toutefois pas la première fois que l'on parle de maison sur le lot concerné, soit le lot 60. En 1751, (2) au partage de ce dernier par les héritiers de Vincent Morisseau, il est question « d'une maison qui sera vendue pour le repos des âmes des dits déffunts de la famille ». (3)

On retrouve, au sous-sol, la présence de deux murs de pierre perpendiculaires qui forment un carré de 20 X 20 pieds et qui pourraient être ceux de la maison de 1751 et l’ébauche du carré actuel. Au rez-de-chaussée, on retrouve la continuation d'un de ces murs, mais l'autre a été abattu, il y a seulement quelques années.

Le plancher du rez-de-chaussée, à l'intérieur de ce carré, repose sur des pierres fendues, alors que partout ailleurs on retrouve des madriers équarris à la hache à la base. L'emboîtage des madriers de surface est muni d'une languette qui s'encastre dans les planches embouvetées, dans le premier cas, et de simples planches embouvetées dans le reste du carré actuel. Et finalement, il est plausible que le seigneur Normand, quand il l'a acquise, ait entrepris son agrandissement pour honorer le titre et la vocation de sa maison dite « seigneuriale ».

Revenons au carré actuel. Une ajoute servant de logis aux parents des propriétaires se juxtapose au carré actuel de la maison. C'est une petite maison de pièce sur pièce dont les madriers sont assemblés à tenon en coulisse et réunis à l’aide de mortier.

Les murs de la maison Normand sont d'inspiration française du XVIIIesiècle. Ils prennent racine dans la terre, à quelque six pieds de profondeur et retraitent de quelques pieds à chaque étage. Le mur de pignon sud mesure, à la base, 60’’ ; il retraite jusqu'à 36’’ au rez-de-chaussée, et n'est que de 32’’ au rez-de-chaussée. Le terrain autour de la maison a été rehaussé de sorte que le plancher du rez-de-chaussée repose, aujourd'hui, au niveau du sol.

Il n'y a pas de mur de refend proprement dit, dans la cave. On retrouve les deux murs de pierre qui forment le carré de 20’ X 20’ et deux masses de pierre. Une de ces masses est située au centre et cache la souche de l’ancienne cheminée de briques ; l'autre, plus rectangulaire, ne semble avoir qu'un rôle de soutien.

Le plancher du rez-de-chaussée repose sur cinq troncs d'arbre aplanis sur une seule face. Des rangées de pieux où se situerait le carré primitif et partout ailleurs des madriers équarris s'alignent perpendiculairement aux troncs d'arbre. Vient ensuite une couche de mortier de trois à quatre pouces d'épaisseur supportant les cinq couches de madriers embouvetés de deux pouces d'épaisseur disposés dans le même sens.

Le rez-de-chaussée est divisé en trois pièces : cuisine, salle à dîner, salon salle à dîner communicante. Auparavant, il y avait une « chambre chaude » dans le milieu de la maison. L'expression est juste, puisque cette chambre se trouvait protégée du froid en étant éloignée des murs extérieurs. À cet endroit, on retrouve, aujourd'hui, un escalier qui longe le mur de pierre original qui sert de cloison. Dans un contrat de 1903, les donataires avaient le privilège de jouir « de la moitié nord de la maison et la cuisine » (4). C'est de ce côté qu'on retrouve le plus grand des foyers, encastré d'un four à pain et muni de grille, cachée par une pierre qui dirigeait la chaleur vers une ancienne armoire potagère, gardienne de la vaisselle. Le jambage, la clef et le sommier des cheminées sont de pierre moins apparente, selon un mode de construction plus ancien.

Trois armoires en muraille se répartissaient le long du mur de pignon, du côté sud; deux survivent et une a même conservé son chambranle original.

Le plafond est soutenu par quatre poutres de bois de l6 ½’’de large et de 11’’ d'épaisseur; des madriers embouvetés de 2’’ d'épaisseur reposent, sans fixtures, dessus celles-ci. Deux de ces poutres ont un motif chanfreiné, du côté nord, et les deux autres un motif quart-de-rond, qui accusent un retrait là où l’ancien mur de pierre a été démoli.

Le deuxième se compose de quatre pièces. On y accède du côté sud, par une échelle de meunier et par une petite porte reliée au petit logis attenant. La chambre à l’extrême droite de la maison donne sur un petit balcon extérieur qui surplombe la porte de côté qui conduit à la cuisine. Les lucarnes ont vu le jour lors de l’aménagement des chambres, au grenier, par la dernière génération de Juneau.

La charpente du toit est aujourd'hui soutenue par trois fermes maîtresses qui rejoignent le faîte; elles se composent chacune d'une aiguille, d'un aisselier et d'une entretoise, équarris à la hache. L'assemblage à tenons et mortaises est fixé par des chevilles de bois.

À l’extérieur, la couverture est de tôle canadienne peinturée verte. La corniche originale très légère ainsi que le larmier presque inexistant sont d'inspiration française. Des poutres de bois s'avancent dans le mur, à la hauteur de la sablière, pour soutenir le toit; des tiges de fer, vieilles de 150 ans, les retiennent au toit.

La pierre des champs du carré, de teintes jaune, brune et beige se divise en deux groupes : les striées, de composition argileuse, et les dures, semblables à du granit. Les pierres sont plus apparentes sur les murs de pignon, où on a récemment tiré les joints. Les encoignures sont faites de pierres grossièrement taillées qui suivent une disposition verticale fixe : une grosse pierre voisine une petite de façon continue. On retrouve aussi, du côté nord, l’arc de pierre cintrée qui témoigne de la présence de l’ancien four à pain.

Deux des fenêtres de façade étaient des portes avant l’arrivée du propriétaire actuel : ce sont la première et la troisième, à partir de gauche : leur mode de construction remonterait à cent cinquante ans. Quant à la porte du milieu, elle serait d’origine assez récente et tiendrait lieu et place d'une fenêtre agrandie pour le besoin. Toutes les fenêtres de façade ont 24 carreaux, les autres n'en comptent que 16. Autrefois, la pierre de taille peignée encadrait portes et fenêtres à l’avant. Cette pierre est présentement recouverte de chambranle de bois.

La maison Normand n'est sûrement plus l’endroit où les colons allaient rendre « foy et hommage » à leur seigneur, mais elle est encore celle où l'on peut rendre hommage aux maîtres artisans du passé. (5)

Nicole Mascherin, Lucien Leblanc

1. Inventaire après décès des biens de Jean-Baptiste Normand, Louis Raymond, 31 mars 1788.

2. Le Ministère des Affaires culturelles situe sa construction entre 1677 et 1701.

3. Partage d'un terrain à la demande de Marie Jetté, veuve Pierre Maurisseau, Daguilhe, 8 mars 1751.

4. Donation d'une terre de Eusèbe Juneau à Omer Juneau, J.Marion, 25 août 1903.

5. Recherche sur la patrimoine de Repentigny, Repentigny, 15 nov. 1978, Lucien Leblanc et collaborateurs, p. 61-62. Document déposé à la Ville de Repentigny.


MAISON MORISSEAU (NORMAND)

599, rue Rivest, Repentigny, Qc


Le texte qui suit est un extrait d’un document entre 1975 et 1979. Le lecteur comprendra alors que plusieurs changements concernant, soit les propriétaires, soit l’apparence de la maison, ont pu se produire au cours des trente dernières années.


Quoique ce bâtiment ait été l'objet d'une recherche historique exhaustive, nous n'avons pu établir avec précision la date de sa construction. Il est toutefois vraisemblable que celui-ci ait été construit au début du XVIIe siècle par Pierre Morisseau, fils.

En 1972, Christian Roy a effectué une recherche sur ce bâtiment qui fut publiée dans la revue « Québec-Histoire » (1). Comme cet article relate en détail l'histoire du bâtiment, depuis la concession du terrain jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, nous complétons ici cette étude depuis 1788 jusqu'à 1976.

En 1789, Joseph-Marie Cherrier achète la maison qui, à cette époque, est en « très mauvais état », et telle qu'on la décrit dans l'inventaire après décès de l'ancien propriétaire, feu Jean-Baptiste Normand (2). Dans cette description, on constate que la maison correspond, tant par ses dimensions que par ses matériaux, au bâtiment actuel.

La maison comprenait alors une grande chambre, une salle, un grenier, un cabinet derrière la grande chambre, un salon, une cuisine, un cabinet derrière la cuisine, une cave et une laiterie.

Après la mort de sa femme, en 1803, Joseph-Marie Cherrier vend sa maison à Jacques Latinville. Les Latinville en demeurent propriétaires pendant une soixantaine d’années et, en 1864, la vendent à Pierre Brousseau dit Lafleur. Toutefois, lesdits vendeurs « se réservent pour leur vie durant seulement, premièrement, la jouissance de la chambre ou salle située sur le devant de ladite maison au sud-ouest, avec de plus une chambre à coucher derrière la chambre au premier lieu mentionné, à prendre icelle chambre à coucher à partir du milieu de la deuxième fenêtre sur le derrière de ladite maison à gagner environ douze pieds au nord-est vers un mur qui s'y trouve.

Il est bien entendu que si lesdits vendeurs veulent avoir une porte de dehors pour sortir de leurs appartements, ils devront faire cette porte et son ouverture à leurs frais » (3).

En 1865, soit un an seulement après l'avoir acquise, Pierre Brousseau dit Lafleur en fait donation à Michel Juneau et son épouse Marie Chartier. Depuis lors, jusqu'en 1975, plusieurs générations de Juneau habitèrent la maison. Au cours de ces années, celle-ci subit plusieurs transformations. Par exemple en 1959, le grand-père Juneau déclare, dans une entrevue qu'il accorde à un journaliste du Montréal Star, que la maison n'est plus telle qu'il la connut ; il ajoute aussi que « la maison ancienne, avec ses poutres taillées à la hache, ses plafonds en bois et ses murs blanchis à la chaux, possédait deux cuisines, un petit salon, cinq chambres à coucher, plus à l'étage, l'espace pour sept pièces additionnelles, espace qu'ils n'occupèrent jamais » (4).

En 1976, seuls les murs extérieurs demeuraient encore intacts, lorsque le nouveau propriétaire, M. Chayer entreprit sa restauration. (5)

1. Une des vieilles maisons de Repentigny, la Maison Juneau, Christian Roy, Québec-Histoire, vol. 2, no 1, Automne 1972, pp. 26-29.

2. Voir le no 23 de la chaîne des titres.

3. Voir le no 10 de la chaîne des titres.

4. Montreal Star, le 14 mars 1959

5. Repentigny, Répertoire des immeubles traditionnels, Été 1975, Ministère des Affaires culturels, Direction général du patrimoine,1979


Notes historiques :

• Vente faite par Pierre Morisseau à Pierre Morisseau fils, le 2 juillet 1728, N. Senet.

• Vente faite par Louis Morisseau à Jean-Baptiste Normand, le 6 mars 1748, Comparet.

• Inventaire des biens de Jean-Baptiste Normand, le 31 mars 1788 : une maison de pierre. J. M. Raymond, notaire.

• Vente faite par Alfred Grenier à Omer Juneau, le 31 mai 1940.

• Vente faite par la veuve Charles-Édouard Juneau à Pierre Chayer, le 18 juillet 1975.

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